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Le rôle de la moto au cinéma

William Kentridge, L’art, le poétique et le politique, diffusion du dimanche 29 juillet 2018 à 05h55

Travailleur boulimique, sans cesse en mouvement dans ses ateliers de Johannesburg comme dans ses voyages à travers le monde, où il est partout exposé et fêté, William Kentridge s'exprime à la fois par le dessin, la sculpture, les installations, les films d'animation ou la mise en scène d'opéra. Guidée par l'intuition et l'expérimentation plus que par les concepts, son oeuvre se nourrit de son goût pour le dessin au fusain, les machines obsolètes, le théâtre d'ombres, le son, la musique et les mots. Elle transmet une poésie intense, teintée de mélancolie et d'humour, qui renvoie à l'histoire de l'oppression et des combats de l'Afrique du Sud. A 60 ans passés, le fils de Sidney et Felicia Kentridge, avocats libéraux qui ont milité contre l'apartheid et défendu ses principaux leaders, reste résolument ancré dans sa ville et son pays natals. Critique : « Lorsque j’étais dans une école de comédiens à Paris, aucun des élèves venus d’autres pays n’avait l’air de sentir coupable […] de quoi que ce soit alors que moi, je sentais sur mes épaules le poids d’une ­société où il y avait quelque chose à réparer, relate l’artiste sud-africain William Kentridge. Je crois que ça s’est traduit par un besoin compulsif de travailler. » Le film, très didactique, juxtapose des ­séquences du plasticien, réalisateur, metteur en scène et comédien, allant et venant dans ses différents ateliers de Johannesburg — la ville où il naquit en 1955 — et des images d’archives historiques. Parmi celles-ci on peut voir l’ancien Premier ministre d’Afrique du Sud Abel Verwoerd, parlant dans les années 1960 de l’apartheid comme d’une « politique de bon voisinage ». William Kentridge témoigne de sa lente prise de conscience de ce qui se passait : pour cela, il fallut dépasser un quotidien pas très éloigné de ce que raconte selon lui une bonne partie de la littérature anglaise, « des gens qui vivent dans de vastes demeures avec du personnel ». Les parents de William, dont les ancêtres juifs de Lituanie ont immigré au xixe siècle, sont avocats et opposants à la politique de séparation. Le jeune homme choisit une autre voie : ses premiers films d’animation aux contours charbonneux mettent en scène deux personnages, l’affairiste Soho Eckstein et le sensuel Felix Teitelbaum, dans un contexte de ségrégation raciale. L’artiste le reconnaît, « c’est ma façon décousue de travailler qui fait émerger une conception politique du monde ».