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Le rôle de la moto au cinéma

The Lost City of Z, diffusion du lundi 16 avril 2018 à 15h40

Le cinéaste adapte la biographie de Fawcett, explorateur en Amazonie. Mais la jungle envahissante ne le détourne pas de son sujet de prédilection : l’humain en quête de lui-même. Critique : Signer un film intimiste avec toute la matière d'une fresque d'aventure : voilà l'exploit inattendu de James Gray, le réalisateur de Little Odessa (1995) et de Two Lovers (2008). Depuis qu'il avait annoncé, il y a une petite décennie, vouloir adapter la biographie de l'explorateur britannique Percy Fawcett (1867-1925), mystérieusement disparu, le doute était permis. Qu'allait faire dans cette galère amazonienne ce cinéaste identifié à New York (décor et personnage central de ses cinq premiers films) ? Aujourd'hui, le résultat, majestueux et subtil, déjoue les catégories existantes. Derrière son classicisme apparent, The Lost City of Z est un prototype. D'abord, la jungle équatoriale n'envahit pas tout, bien au contraire. L'ancrage familial et social de l'explorateur prime. L'histoire commence à Londres, dans la haute société, en 1906. Toute la suite découle d'allers-retours entre l'Amérique et le Vieux Continent. Le premier voyage, Fawcett (Charlie Hunnam) l'effectue presque à contrecoeur. La mission que lui confie la Royal Geographic Society — cartographier une zone limitrophe de la Bolivie et du Brésil — lui semble un pis-aller par rapport à son désir de reconnaissance. Et déjà, les discussions, préalables au départ, avec l'épouse enceinte (Sienna Miller) reflètent la complexité profonde de ce héros aristocrate. Se laissent deviner à la fois l'ambition et la dérision de l'ambition ; en même temps, l'appel du large et les derniers feux de l'indolence juvénile. Au milieu du faste d'époque, l'attention portée aux visages par le cinéaste (et son chef opérateur, lire ci-contre) est d'emblée bouleversante. Nombre de réalisateurs qui disposent d'un budget inhabituel se laissent dévier de leur trajectoire artistique. Pas James Gray, qui, depuis ses débuts, filme avant tout des dilemmes intimes, des tourments existentiels. Même en Amazonie, il tient son cap. Loin de Francis Ford Coppola (Apocalypse now) ou de Werner Herzog (Aguirre, la colère de Dieu ; Fitzcarraldo) : la jungle, avec ses multiples dangers, n'est pas, cette fois, le lieu de la folie explicite. Les tempêtes demeurent contenues sous les crânes de Fawcett et de son aide de camp — Robert Pattinson, méconnaissable derrière sa barbe. En pleine nature hostile, parmi les Indiens imprévisibles, l'explorateur reste hanté par l'image de la famille naissante qu'il a laissée en Angleterre. A peine se laisse-t-il griser par la découverte imprévue des vestiges d'une ancienne civilisation. Mais, plus tard, revenu parmi les siens, il ne songe qu'à cette cité inconnue, qu'il appelle Z. Il affronte l'élite intellectuelle anglaise, qui nie sa découverte. Il demeure comme absent à sa famille, qui pourtant ne cesse de s'agrandir. Il interdit à sa femme de le suivre dans sa nouvelle expédition, la jugeant trop fragile. Ainsi, il la déconsidère comme la communauté scientifique le mésestime, lui. Quant à l'existence réelle de cette civilisation perdue, un léger doute persiste. Trop peu d'indices sont mis en évidence. De sorte que l'obsession de l'explorateur ouvre à plusieurs lectures possibles. Elle devient métaphore d'une aspiration humaine à l'ailleurs. D'un besoin impérieux de diversion, de transcendance. D'un désir de croire. L'aventurier, au-delà même de la cité de Z, idéalise les indigènes. Il leur prête, non sans paternalisme, la grandeur d'âme qui manque à ses congénères britanniques. Durant la Première Guerre mondiale, alors qu'il dirige une brigade d'artillerie en France, dans les tranchées, Percy Fawcett est, de nouveau, rattrapé par cette croyance : la jungle lui apparaît comme un pays perdu, un sanctuaire de paix. Une autre dimension vient encore ajouter à l'ampleur de cette histoire : le temps. Près de vingt ans s'écoulent entre la première et la troisième expédition, en 1925. Le fils aîné, que l'explorateur n'a pas voulu voir grandir, est, soudain, un disciple inespéré, un alter ego possible. En tout cas, un compagnon de voyage ultime. James Gray, ­refusant toujours le spectaculaire, orchestre alors un finale grandiose, à bas bruit. Une cérémonie nocturne, au milieu de la forêt, où culmine le mysticisme du héros. Il s'agit, aussi, du legs ambigu d'un père à son enfant. Comme une leçon de vie et de mort. La transmission, dans le même mouvement, de la joie d'être au monde, de s'y abandonner et de s'y dissoudre. — Louis Guichard   Lire l'entretien avec James Gray dans notre numéro précédent. La magie du chef op Darius Khondji     Après The Immigrant (2013), James Gray poursuit sa collaboration avec le grand chef opérateur franco-iranien Darius Khondji, au style pictural. L'homme a façonné l'image de certains films illustres de David Fincher, Michael Haneke, Woody Allen... Il a toujours revendiqué sa passion pour les acteurs et leurs visages, qu'il rend opalescents et fascinants. En ce sens, James Gray est son partenaire idéal. Dans The Immigrant, la lumière de Khondji donnait à Marion Cotillard l'aura d'une Lillian Gish. Dans The Lost City of Z, trois acteurs semblent, eux aussi, transfigurés. Charlie Hunnam, jusque-là bellâtre parmi d'autres, semble dévoré de l'intérieur. Sienna Miller, avec un rôle analogue à celui qu'elle tenait dans le film de Clint Eastwood American Sniper (l'épouse qui attend), acquiert une dignité inédite. Robert Pattinson se défait, pour la première fois, de son magnétisme érotique, au profit d'une humble humanité.    

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