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Le rôle de la moto au cinéma

Svetlana Allilouïeva, la fille de Staline, diffusion du dimanche 29 juillet 2018 à 02h50

Le destin de Svetlana Iossifovna Allilouïeva, dernier enfant et unique fille de Joseph Staline, offre un condensé frappant de l'histoire du siècle dernier. Après une enfance dans la cage dorée du Kremlin, une succession de drames l'a amenée à renier l'héritage paternel. Témoin de la disparition ou de l'arrestation de nombreux proches et amis, elle est ensuite placée sous haute surveillance à la suite de la mort de son père en 1953. Elle profite d'un séjour en Inde pour fuir à l'Ouest en 1967. Elle passera les vingt-cinq dernières années de sa vie en asile politique aux Etats-Unis, dont elle obtiendra la nationalité. Martha Schad, biographe attitrée de Svetlana, fait découvrir des extraits d'entretiens avec elle et des proches. Des scènes reconstituées complètent les nombreuses archives inédites. Critique : L'histoire de Svetlana Allilouïeva, fille de Joseph Staline, s'avère digne d'une tragédie grecque. Celle qu'on surnommait « la petite princesse du Kremlin » est devenue le symbole de la dissidence au régime, en passant à l'Ouest en 1 967. Elle vivra vingt-cinq ans aux Etats-Unis, avant de mourir en 2011 dans une quasi­-indigence... En déroulant le parcours de cette fille maudite, Jobst Knigge dévoile le versant intime de la dictature soviétique. L'intéressée n'apparaissant qu'au détour de brèves vidéos, de photos et d'extraits de lettres, sa psyché profonde nous reste inaccessible. Mais les témoignages de premier plan (sa biographe, son neveu, la petite-fille de Gorki, le fils de Nikita Khrouchtchev...) restituent, de manière très incarnée, ses différentes facettes : la jeune fille élevée dans la terreur, dont l'entourage a été peu à peu décimé par la folie stalinienne. La femme obligée de payer très cher sa liberté — rompant avec ses enfants restés à l'Est, terminant sa vie en apatride. La grande amoureuse, qui a souvent fait les mauvais choix. En creux, le film esquisse un portrait très personnel du « petit père des peuples », capable de lettres affectueuses comme de gestes de cruauté extrême. La relation viscérale qu'entretiendra jusqu'au bout Svetlana à son père apparaît au détour d'une séquence, dans laquelle, alors âgée, elle s'énerve qu'on lui parle encore de Staline. On la voit trépigner, marteler le vide de ses poings, comme une vieille petite fille à bout. Instantané saisissant d'une héritière damnée, qui n'aura jamais réussi à s'affranchir de ce legs trop lourd. — Hélène Marzolf