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Le rôle de la moto au cinéma

Nos mères, nos daronnes, diffusion du mercredi 02 mai 2018 à 00h10

Issue d'un quartier populaire de la banlieue parisienne, inspirée par le parcours de sa mère et de ses voisines, Bouchera Azzouz veut découvrir qui sont ces femmes, définies avant tout à travers leur rôle de mère. Un rôle qu'elles endossent depuis si longtemps. Les jeunes les appellent les «daronnes», pour la société ce sont des «mères courage». Sans tabous, elles évoquent leur jeunesse, leurs combats intimes et leurs trajectoires, souvent mouvementées. Musulmanes, juives ou athées, amies au-delà de leurs cultures, elles ont su bousculer les traditions et les interdits de la société française des années 70, pour gagner leur liberté. Rencontre avec Rahma, Sabrina, Zineb, Yamina et Habiba. Critique : Pourquoi interroge-t-on toujours les jeunes dès qu'on filme la banlieue ? Où sont les aînés ? Qu'ont-ils à nous raconter ? L'ex-secrétaire générale du mouvement Ni putes ni soumises Bouchera Azzouz a eu l'excellente idée d'aller rendre visite à sa mère, dans son appartement de la Cité de l'amitié, à Bobigny, et d'interroger ses voisines algériennes ou tunisiennes arrivées en France dans les années 1970, alors qu'elles étaient enfants. Ces mémoires vives de l'immigration livrent ici tout ce qu'elles n'ont jamais pu dire — la pauvreté, l'ignorance, l'interdiction de se maquiller ou d'aller à l'école. Et évoquent cet autre sujet dévastateur : l'absence de moyens de contraception. Ces femmes ont quasiment toutes avorté clandestinement, au moins une fois, afin d'éviter de reproduire le destin qu'on voulait leur imposer (un enfant par an pendant dix ans). Rhama, Habiba, Sabrina et Yabiba incarnent à ce titre une face discrète du féminisme, presque oubliée de la mémoire, la première génération à avoir oeuvré pour l'émancipation, moins pour en profiter elle-même que pour transmettre cette liberté à la suivante. Ce film peut se voir comme un hommage — délivré avec beaucoup de sensibilité, de douceur — d'une jeunesse affranchie du poids de la tradition, qui célèbre le combat des « daronnes », ces silencieuses mères Courage qui demeurent les « piliers de la cité ». — Erwan Desplanques