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Les jours venus, diffusion du mercredi 21 février 2018 à 00h15

Romain Goupil poursuit son œuvre autobiographique... Voici qu'il a 60 ans, désormais, qu'il a du mal avec son nouveau scénario. Le temps file entre ses doigts. Un film qui distille un vrai charme, une surprenante légèreté. Critique : Contrairement à tant d'autres romanciers et cinéastes, Romain Goupil échappe — même s'il s'y livre depuis son premier long métrage, Mourir à 30 ans — aux pièges de l'autofiction. Il y vadrouille, à l'aise, entre suffisance et liberté, à mi-chemin entre vérité et fantaisie. Il s'y montre sans complaisance, tel qu'il est, mais aussi tel qu'il voudrait être : charmeur et séducteur de filles. Ah, ce qu'il aimerait que les femmes qu'il rencontre — sa nouvelle banquière, par exemple, ou la fellinienne employée d'un magasin de pompes funèbres — deviennent amoureuses au premier regard. Mais aujourd'hui, lorsqu'il fixe les superbes seins d'une fille assise dans le métro, elle se lève aussitôt, la garce, pour lui offrir sa place. Romain reste Romain, certes, mais il a 60 ans et il compte, désormais, sur les doigts d'une seule main ses films à venir. Lui qui remuait les foules étudiantes en 1968, qui militait avec flamme en faveur de la guerre contre l'Irak doit se contenter — mais comment en est-il arrivé là ? — de calmer les susceptibilités des locataires de son immeuble. Pire : en bon père bourgeois, il se préoccupe des résultats scolaires de son fils, à la stupeur indignée de ses anarchistes de parents (« Mais qu'est-ce qui te prend ? On ne t'a pas élevé comme ça ! »). Et voilà qu'il n'arrive plus vraiment à venir à bout du nouveau scénario sur lequel il travaille : l'histoire d'un cinéaste dont la caméra provoque des catastrophes... Quand elle ne meurt pas à 30 ans, comment une génération survit-elle à 60 ? Ce n'est pas vraiment lui que Romain Goupil filme en se filmant, mais d'innombrables petits Romain, aussi ridicules et touchants que lui, silhouettes burlesques à la Tchekhov ou à la Gogol, ingénument fiers d'avoir mené à bien, jadis, de belles révoltes, et vaguement tristes de ne pas avoir su en mener d'autres... Alors qu'il met en scène son propre enterrement, en gueulant comme un forcené, son vieux pote Daniel Cohn-Bendit, appelé pour faire de la figuration, lui lance : « Trotskiste un jour, tyran toujours ! » avant d'éclater de rire... S'il y a une leçon à tirer de ce film qui ne veut en donner aucune, c'est qu'on n'est pas sérieux quand on a 60 ans. C'est aux trentenaires de l'être. Pour mieux apprendre à devenir, plus tard, de dérisoires porteurs de légèreté. — Pierre Murat