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Le rôle de la moto au cinéma

Les fantômes d’Ismaël, diffusion du jeudi 14 juin 2018 à 08h35

Après vingt ans d’absence, une femme réapparaît dans la vie de ses proches, et d'abord celle de son mari inconsolé. Dans la lignée de Rois et reine, un nouveau temps fort de l'œuvre romanesque de Desplechin : aigu, intense et d’un humour ravageur. Critique : | Genre : une femme réapparaît. Carlotta s’est volatilisée il y a vingt ans. Soudain, elle débarque (d’Inde, dit-elle). Elle s’immisce au sein du couple qu’Ismaël, son ancien amoureux, forme désormais avec Sylvia… Les fantômes, chez Desplechin, sont toujours les témoins redoutables d’un état antérieur du monde. Ils ont connu les vivants dans leur version la plus pure. Ils revendiquent une place qu’ils ont pourtant abandonnée. Inchangés, ils apportent un tourbillon de regrets, de remords. Les échanges qui s’ensuivent, où s’énonce la vérité des existences, rappellent Ingmar Bergman, bien sûr — et certains monologues face caméra aussi. Bergman, Truffaut, Hitchcock (Carlotta est le prénom de la femme au portrait dans Vertigo/Sueurs froides) : les maîtres de Desplechin réapparaissent, une fois encore, en filigrane, éternels revenants eux aussi. Mais, au fil des années et des films, même les ténèbres ont pris des nuances burlesques. La mort, l’amour, la filiation : toutes les pièces clés du puzzle retrouvent leur place comme par miracle, le chagrin, la folie et la terreur soudain dissipés… A moins que ce ne soit qu’une accalmie, une simple éclipse de fantômes.

Le rôle de la moto au cinéma

Les fantômes d’Ismaël, diffusion du vendredi 18 mai 2018 à 10h00

Le rôle de la moto au cinéma

Les fantômes d’Ismaël, diffusion du samedi 12 mai 2018 à 08h00

Le rôle de la moto au cinéma

Les fantômes d’Ismaël, diffusion du mercredi 09 mai 2018 à 22h30

Après vingt ans d’absence, une femme réapparaît dans la vie de ses proches, et d'abord celle de son mari inconsolé. Dans la lignée de Rois et reine, un nouveau temps fort de l'œuvre romanesque de Desplechin : aigu, intense et d’un humour ravageur. Critique : La Vie des morts, tel était le titre du moyen métrage qui révéla Arnaud Desplechin. Et le sous-titre invisible, implicite, d'une des plus belles scènes de toute son oeuvre : l'apparition dans Rois et reine (2004), face à l'héroïne interprétée par Emmanuelle Devos, de son premier mari, suicidé dans sa vingtaine. Ce spectre juvénile surgissait dans un moment éprouvant pour elle (la mort de son père). Comme un soutien, un secours, mais aussi un être qui, mieux que personne, voyait exactement quelle femme elle était devenue après tout ce temps. Des circonstances analogues concourent, dans Les Fantômes d'Ismaël, au mystérieux retour de Carlotta (Marion Cotillard) auprès du héros (Mathieu Amalric). La jeune femme s'est volatilisée vingt ans plus tôt. Sa mort n'a jamais été établie. Son vieux père (László Szabó), dont Ismaël est devenu comme le fils, se porte de plus en plus mal. Et soudain Carlotta débarque (d'Inde, dit-elle), réelle ou non. Elle rôde autour du domicile du vieillard en sursis. Elle s'immisce dans le couple qu'Ismaël forme désormais avec Sylvia (Charlotte Gainsbourg). Les fantômes d'Arnaud (Desplechin) sont donc les témoins redoutables d'un état antérieur du monde. Ils ont connu les vivants dans leur version la plus belle, la plus pure. Ils revendiquent une place qu'ils ont pourtant abandonnée. Inchangés, il viennent tout déranger et apportent avec eux un tourbillon de regrets et de remords. Dans l'improbable apprivoisement entre Sylvia et Carlotta, la cruauté et la violence ne tardent pas à s'installer. Dans les explications entre Ismaël et Carlotta, il y a des larmes, du sang, des blessures à vif. Pourquoi donc a-t-elle disparu jadis ? Elle ne savait pas comment être au monde : « Je voulais déchirer ma vie. » Il répond : « C'est ma vie que tu as déchirée. » Ces échanges paroxystiques, magnifiques, où s'énonce la vérité des existences, rappellent Ingmar Bergman, bien sûr, comme certains monologues face caméra. Bergman, Truffaut, Hitchcock (Carlotta est le prénom de la femme au portrait dans Vertigo/Sueurs froides) : les maîtres d'Arnaud Desplechin réapparaissent, une fois encore, en filigrane, fantômes d'un autre genre et éternels revenants. Mais la dimension spectrale de ce cinéma comprend aussi, de plus en plus, de fines réminiscences des films de Desplechin lui-même. Quand Carlotta se met à nu, littéralement, devant Ismaël, revient l'image de Marion Cotillard, alors débutante, nue dans sa seule scène, longue, muette, magique, de Comment je me suis disputé... (1996). En quelque sorte, un souvenir de la jeunesse du héros, que jouait, déjà, Mathieu Amalric. Il en va de même pour les bribes de film d'espionnage, dont on n'aperçoit pas tout de suite le lien avec les tourments amoureux et existentiels d'Ismaël : cette veine kafkaïenne remonte à La Sentinelle (1992). Elle contamine savamment l'histoire principale, prolonge et décuple son incertitude inquiétante. Ces histoires surréelles de consulat à l'Est et de méprises d'identité ressemblent à des songes, à des cauchemars : il n'y a pas que la bien-aimée d'autrefois dont la présence soit douteuse, insaisissable. Mais, au fil des années et des films, même les ténèbres ont pris des nuances burlesques. Servies, dans ces scènes « mittle Europa », par le jeu de Louis Garrel (en petit frère d'Ismaël), acteur irréductiblement facétieux, au contraire de sa réputation. En fait, depuis Rois et reine, Desplechin laisse libre cours à un humour dépressif, et d'autant plus ravageur. Le film brille par son autodérision : pour la première fois, le héros (Ismaël) est lui-même un cinéaste, torturé, gavé de psychotropes, prompt à se réfugier (et se cacher) à Roubaix, ville natale de Desplechin, quand l'angoisse culmine. Cette énergie comique se révèle, au final, autre que celle du désespoir. La dernière scène ouvre sur un horizon inattendu, étrangement radieux. La mort, l'amour, la filiation : toutes les pièces clés du puzzle retrouvent leur place comme par miracle, le chagrin, la folie et la terreur soudain dissipés... A moins que ce ne soit qu'une accalmie, une simple éclipse de fantômes. — Louis Guichard En sentinelle à Cannes depuis vingt-cinq ans     En un quart de siècle, le Festival de Cannes aura montré tous les visages du travail d'Arnaud Desplechin : espionnage labyrinthique (La Sentinelle, 1992), tableau d'une génération en plein désordre sentimental (Comment je me suis disputé, 1996), tragi-comédie familiale (Un conte de Noël, 2008). Aucun de ses films majeurs n'a figuré au palmarès. Trop français pour un jury international ? L'énigme s'épaissit avec les oeuvres en anglais : Esther Kahn (2000), splendide portrait d'une jeune actrice londonienne à la fin du XIXe siècle, et Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des plaines), 2013, tourné en Amérique avec Benicio Del Toro... Cinq fois en compétition, cinq fois bredouille, Desplechin restera, cette année, à l'abri de la déconvenue : Les Fantômes d'Ismaël est, bizarrement, présenté hors compétition, alors qu'il s'annonce déjà comme l'un des meilleurs films de l'édition 2017...