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Le pays qui n’aimait pas les femmes, diffusion du mardi 13 novembre 2018 à 22h40
Saroj, 11 ans, est une miraculée. Dans son village du Rajasthan, on tue les filles à la naissance, parce que la dot du mariage coûte cher. Sa mère, aidée par une femme qui milite depuis trente ans pour que les petites aient la vie sauve, l'a soustraite à la mort après avoir été obligée d'étouffer ses deux premières filles. A Delhi, Sunita, 25 ans, a quitté son mari après avoir subi ses coups pendant un an – la violence conjugale toucherait 65% des femmes en Inde. Suzanne, 38 ans, vit à Calcutta. Elle a décidé d'aller au bout du procès pour viol qu'elle a engagé à visage découvert. Enfin Gulab Bai, 84 ans, fait partie de ces veuves abandonnées aux rues de Vrindavan, haut lieu de pèlerinage du pays. En Inde, quand le mari meurt, sa femme, sous prétexte qu'elle porte malheur, est mise au ban de la société. Critique : En décembre 2012, le viol d'une étudiante dans un bus à New Delhi avait suscité des manifestations dans tout le pays et poussé le gouvernement à modifier la législation. Un sursaut national qui, dans les faits, n'a pourtant pas réellement fait évoluer la condition des femmes. Considérées comme des fardeaux, jugées inutiles, elles sont encore, dans certaines régions, assassinées à la naissance. Et celles qui ont le droit de vivre expérimentent, bien souvent, une existence de sacrifice et d'humiliation. En 2006, La Malédiction de naître fille (1) , récompensé du prix Albert-Londres, évoquait déjà cette situation révoltante. Ce film brosse un état des lieux similaire, en s'appuyant sur le parcours et la parole de plusieurs femmes d'âges et de milieux différents. Saroj, une petite fille du Rajasthan, sauvée de l'infanticide par une mère qui avait, avant elle, été forcée de sacrifier deux filles. Gadgendra, une courageuse militante qui tente de faire évoluer les mentalités dans les campagnes. Sunita, martyrisée par son mari et sa belle-famille à New Delhi. Suzette, première femme à avoir témoigné à visage découvert dans les médias indiens du viol qu'elle a subi. Et enfin Gulab Bai, une veuve octogénaire devenue mendiante. Une mosaïque de témoignages poignants qui révèle, de manière brutale, les facettes les plus obscurantistes de la société indienne. Seul bémol : il n'était pas nécessaire de mettre en scène, en guise de fil rouge, une voix off censée porter les réflexions imaginaires d'un bébé à naître. Ce procédé artificiel appuie lourdement un propos qui se suffisait à lui-même. — Hélène Marzolf (1) Documentaire d'Alexis Marant et Manon Loiseau.