Diffusions passées:
Le divan de Staline, diffusion du vendredi 25 mai 2018 à 01h00
Fanny Ardant filme avec panache Gérard Depardieu, grandiose dans le rôle d'un Staline vieillissant, confronté à ses cauchemars. Plane une légère angoisse, que suggèrent à merveille les deux victimes, Emmanuelle Seigner et Paul Hamy. Critique : | Genre : les égarés. Vingt-sept ans qu’elle vit dans son ombre, qu’elle a tout accepté, tout dissimulé. Mais quand Staline, vieillissant, si proche du néant, lui demande de prendre la place de ce « charlatan de Freud », comme il dit, et de lui faire raconter ses rêves, une sourde inquiétude envahit Lidia… C’est cette peur permanente, pernicieuse, infiltrée dans l’air, la peau, que capte Fanny Ardant dans son troisième film comme réalisatrice (et le premier vraiment réussi), que lui a inspiré le roman de Jean-Daniel Baltassat. Gérard Depardieu l’a aidée à provoquer cette sourde angoisse, en cherchant, précisément, à ne la susciter jamais. Il est, une fois de plus, grandiose. Lourd. Calme. Immobile. Seul son regard se modifie insensiblement : neutre lorsqu’il signe l’exécution de quinze pauvres types ayant mis en doute la solidité des avions soviétiques. Presque égaré, soudain, lorsque Lidia (Emmanuelle Seigner, belle et lasse : superbe) déchiffre un cauchemar sanglant à propos de la mort de sa femme. Et venimeux devant ce peintre trop jeune et trop beau (Paul Hamy), dont il se plaît à révéler l’ambiguïté. Fanny Ardant filme avec une audace inattendue ces trois égarés qui, du plus puissant au plus lâche, cherchent en eux les traces d’un souffle depuis longtemps perdu. Parce qu’ils sont russes, on dira que c’est leur âme : cette petite chose encombrante qui les taraude, leur résiste et les suit comme une douleur lancinante et infinie.
Le divan de Staline, diffusion du vendredi 09 février 2018 à 00h20
Fanny Ardant filme avec panache Gérard Depardieu, grandiose dans le rôle d'un Staline vieillissant, confronté à ses cauchemars. Plane une légère angoisse, que suggèrent à merveille les deux victimes, Emmanuelle Seigner et Paul Hamy. Critique : Vingt-sept ans qu'elle le connaît, qu'elle vit dans son ombre, qu'elle a tout compris, tout accepté, tout dissimulé. Mais quand Staline, vieillissant, si proche du néant, lui demande de prendre la place de ce « charlatan de Freud », comme il dit, et de lui faire raconter ses rêves, une sourde inquiétude envahit Lidia. Se confronter à ses propres cauchemars ne l'effraie pas, elle en a vu d'autres, mais affronter ceux du « petit père des peuples »... C'est cette peur permanente, pernicieuse, infiltrée dans l'air, insinuée dans la peau, que capte Fanny Ardant dans son troisième film comme réalisatrice (et le premier vraiment réussi), que lui a inspiré le roman de Jean-Daniel Baltassat. Gérard Depardieu l'a aidée à provoquer cette sourde angoisse, en cherchant, précisément, à ne la susciter jamais. Il est, une fois de plus, grandiose. Lourd. Calme. Immobile. Seul son regard se modifie insensiblement : neutre lorsqu'il signe l'exécution de quinze pauvres types ayant mis en doute la solidité des avions soviétiques (« Une balle dans la nuque. Une seule. Pas de gaspillage »). Presque égaré, soudain, lorsque Lidia (Emmanuelle Seigner, belle et lasse : superbe) déchiffre un cauchemar sanglant à propos de la mort de sa femme. Et venimeux devant ce peintre trop jeune et trop beau, dont il se plaît à révéler l'ambiguïté. Passionnant personnage, ce Danilov, que Paul Hamy (lire page 24) rend misérablement fragile sous sa carapace de virilité. Il symbolise le dilemme auquel se trouvaient confrontés tous les artistes de l'époque : résister et périr, ou se compromettre et se perdre. Le goulag ou la honte ; il n'y avait, alors, d'autre issue... Autour de Danilov et de Lidia, ces deux victimes d'eux-mêmes, des forêts, rousses le jour, fantomatiques la nuit, cernent des lieux où des domestiques empesés suivent Staline comme un encombrant choeur antique, où des soldats patrouillent avec des chiens voraces, où résonnent, par moments, des cris qui n'étonnent personne... Ce que filme la réalisatrice, avec une sorte de panache, une audace inattendue, ce sont trois égarés qui, du plus puissant au plus lâche, cherchent en eux les traces d'un souffle depuis longtemps perdu, qu'ils ne retrouveront jamais. Parce qu'ils sont russes, on dira que c'est leur âme : cette petite chose encombrante qui les taraude, leur résiste et les suit comme une douleur lancinante et infinie. — Pierre Murat