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Le rôle de la moto au cinéma

La voie de l’ennemi, diffusion du mardi 30 janvier 2018 à 00h15

Rachid Bouchareb tourne aux Etats-Unis mais s'inspire de Deux Hommes dans la ville. Un beau film dans la chaleur et la poussière où Forest Whitaker, ex-détenu, se débat avec la fatalité sociale. Critique : Un ancien détenu fraîchement libéré tente de reconstruire sa vie. Mais son ex-­complice et surtout le policier qui l'avait jadis arrêté ne l'entendent pas de cette oreille... L'histoire vous rappelle quelque chose ? Rachid Bouchareb s'inspire ouvertement d'un fameux polar de José Giovanni, Deux Hommes dans la ville, réalisé en 1973 avec Alain Delon et Jean Gabin. Ce n'est pas vraiment un remake : le réalisateur d'Indigènes et de Hors-la-loi a transposé l'histoire aux Etats-Unis, dans un coin paumé, recuit et poussiéreux du ­Nouveau-Mexique. Et il a fait du pamphlet contre la peine de mort de José­Giovanni une réflexion douce et désespérée sur la fatalité sociale. Interprété par Forest Whitaker, tout en retenue, son héros cherche obstinément la ­rédemption. Il est devenu musulman en prison. Il s'accroche à la prière, aux rituels de sa nouvelle foi comme à une thérapie. Un moyen de se régénérer. Mais, tandis qu'il se trouve un petit boulot et une femme qui pourrait l'aimer, on sent que son combat contre les fantômes du passé, la cruauté du présent, mais aussi ses démons intérieurs est perdu d'avance. Rachid Bouchareb le filme souvent de loin, perdu dans des paysages semi-urbains vastes et désolés. Un monde sec qui n'a rien à offrir. Une Amérique de contreplaqué et d'espaces vides, quasi désertiques, que le cinéaste montre sobrement, sans jamais céder aux pièges de l'exotisme. Harcelé par le shérif dont il a jadis tué l'adjoint (Harvey Keitel, réac et inquiétant, légèrement sous-employé, cependant), le héros a tout de même une ­alliée : son officier de probation. C'est la formidable comédienne anglaise ­Brenda Blethyn (Secrets et Mensonges de Mike Leigh, il y a presque vingt ans) qui reprend peu ou prou le rôle de travailleur social interprété par Jean Gabin dans le film original. Ce bout de femme énergique et bourrue qui cache (mal) sa compassion derrière des formules administratives et des interventions ­viriles, cette solitaire qui écoute tous les soirs Barbara sur le porche de sa maison isolée est peut-être la vraie héroïne du film. Un trésor d'humanité dans le désert. — Cécile Mury