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La ritournelle, diffusion du jeudi 01 mars 2018 à 20h55

La fugue parisienne d'une agricultrice, mariée et rêvant d'autre chose. Sous des dehors kitsch, une comédie sur le couple subtile et touchante, par l'auteur de Copacabana. Critique : Nouvelle descendante de Madame Bovary, une éleveuse de bovins en Normandie, mariée depuis longtemps, rêve d'autre chose. Mais de quoi ? Après une rencontre enivrante avec un jeune et beau Parisien dans le jardin d'à côté, elle mise tout sur un voyage de quarante-huit heures dans la capitale, dont elle cache le mobile à son époux... Isabelle Huppert à la tête d'une exploitation agricole avec Jean-Pierre Darroussin ? Marc Fitoussi a d'abord l'astuce d'en faire une pure cocasserie, tendance kitsch, via quelques scènes de concours de vaches. On le croit dans la lignée de son précédent film, tout en énième degré, Pauline détective. Mais une fois l'aberration acceptée, le cinéaste retrouve plutôt la veine piquante de Copacabana et surprend autrement : en déjouant les conventions du vaudeville comme les clichés sur le monde rural. L'objet de désir initial se révélera ainsi trompeur, sinon défectueux. Et la provinciale en goguette à Paris passera du statut de soupirante borderline à celui de bien-aimée, selon une configuration imprévue. L'idée maîtresse du scénario est une plaque d'eczéma sur la poitrine de la fugueuse : d'abord, cette lésion symbolise une démangeaison existentielle, puis elle revient dans le dialogue et dans l'intrigue en changeant de fonction et de signification. Comme le titre, possible fausse piste. La « ritournelle », est-ce cette chanson entraînante entendue par l'héroïne dans un supermarché, qui lui redonne des envies juvéniles de romance ? Ou bien, au contraire, la répétition des habitudes conjugales, fussent-elles heureuses ? Ce cinéma fantasque, anti-naturaliste, à la campagne comme à la ville, vaut pour sa finesse d'écriture, mais pas seulement. Il suffit d'un regard fixe d'Isabelle Huppert, une nuit, sur le pas de sa porte, après la visite de Pio Marmaï, pour exprimer une aspiration qui flirte avec la déraison. Plus tard, les acrobaties professionnelles d'un fils incompris, ou quelques tours de grande roue sur la place de la Concorde, filmés avec de vieux artifices hollywoodiens, apportent une émotion insoupçonnée. Marc Fitoussi trouve encore une superbe idée visuelle, du côté de la mer Morte, pour signifier la part d'immobilité, funeste et attirante, attachée à l'idéal du couple. Sans aucun passage obligé, pas même une rupture, il réussit une charmante comédie du remariage à la française. — Louis Guichard