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Hugo Pratt, trait pour trait, diffusion du jeudi 24 janvier 2019 à 02h35

De l'oeuvre de Hugo Pratt émergent quelques mots clés, voyage, aventure, érudition, ésotérisme, mystère, poésie, mélancolie, et le personnage de Corto Maltese, son héros et son double, qui l'a imposé comme l'un des plus grands noms de la BD. Né en Italie en 1927, mort en Suisse 68 ans plus tard, Hugo Pratt grandit dans l'ombre d'un père fasciste, qui l'emmène très jeune en Ethiopie, sous occupation mussolinienne. Il en retire une fascination pour les grands espaces africains, bientôt suivie d'un irrésistible attrait pour l'Inde. Le point de départ d'une existence faite de voyages, de succès, de conquêtes, de rares échecs, et marquée par sa vénération pour le dessinateur Milton Caniff. Ce document part sur les traces de Hugo Pratt, dans tous les lieux qui ont forgé sa personnalité hors norme, et invite à le retrouver dans des archives inédites. Critique : La vie et l'oeuvre du père de Corto Maltese, ou « l'histoire d'un homme qui a créé un héros ». Montrer comment le marin de Malte a émergé de la grande aventure que fut la vie d'Hugo Pratt, tel est le pari de Thierry Thomas. Rendre compte de la création par la biographie, le procédé peut faire débat. Ici, le résultat est à la fois habile et déstabilisant. Oui, entre Corto et Hugo, le parallèle est tentant. La passion du dessinateur pour les uniformes provient de son adolescence en Ethiopie, à Addis-Abeba, où il observait les officiers anglais. Son goût pour l'aventure s'affirme en Argentine, à la fin des années 1940, où il a été invité avec sa bande de copains par un éditeur. Les récits de Corto sont l'aboutissement d'une vie à courir le monde, avec Venise comme point d'ancrage. Soit. Mais c'est quand le documentaire s'éloigne de la chronologie et de l'anecdote pour considérer l'oeuvre dans le détail de son trait qu'il devient passionnant. Aux images d'archives et autres interviews de rigueur s'entremêlent les planches de l'artiste, joliment intégrées au propos, analysant notamment la gestion de l'espace et du silence. Dommage qu'elles soient rythmées par la voix off faussement profonde de Lambert Wilson, qui, à force d'interrogations saugrenues (« Et si Corto avait été là avant lui comme Ulysse était là avant Homère ? »), affaiblit une réalisation très soignée. — Xavier Thomann