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Faute d’amour, diffusion du vendredi 22 février 2019 à 06h40
Boris et Genia se déchirent. En instance de divorce, ils sont pressés de vendre leur appartement et vivre chacun de leur côté. La jeune femme, qui a vécu une enfance sans amour, a déjà refait sa vie, avec un homme, la quarantaine sportive et sécurisante. Lui a rencontré une jeune femme désormais enceinte, et à qui il a juré un amour éternel. Englués dans leurs disputes, ils en oublient leur fils Aliocha, 12 ans, qui ne supporte plus la situation. Quand celui-ci disparaît, ils s’accusent l’un l’autre de sa fugue possible. Boris, qui a été un père absent, connaît mieux les habitudes de son fils que sa future ex-femme et mène les recherches... Critique : | Genre : Russie, mère blafarde. Derrière la porte d’une salle de bains, il pleure à gros sanglots silencieux, sans que ses parents, en plein divorce, ne remarquent ni sa présence, ni sa douleur. Le lendemain, il disparaît, et il faut presque trente-six heures à son père et à sa mère pour s’apercevoir de sa fuite. Maintenant, c’est tout juste s’ils ne se servent pas de cette fugue — un enlèvement, peut-être — pour alimenter leur rancœur. Comme si la haine l’emportait sur le chagrin. Dès son premier long métrage (Le Retour, 2003), Andreï Zviaguintsev avait filmé le désert de l’amour : deux gamins finissaient par tuer le père après un périple envoûtant dans des villes vides et des lieux déserts. C’est la même perte de sentiment qu’il filme aujourd’hui, avec une cruauté décuplée et une élégance froide, totalement maîtrisée désormais, depuis les réussites formelles d’Elena (2011) et de Léviathan (2014). Même s’il est universel, le film parle encore de la Russie. Ce magnifique et improbable pays où le peuple semble avoir remplacé Pouchkine par Poutine, où l’Etat règne avec une Eglise aux ordres, où un grand industriel peut se permettre de n’engager que de bons orthodoxes, qu’il vire le jour où ils songent à divorcer… Certains considèrent Zviaguintsev comme un donneur de leçons. Comme les Slaves savent l’être, parfois : un Saint-Just mâtiné de Tolstoï. De toute évidence, il est proche de Tchekhov, qui étudiait à la loupe nos faiblesses. Avec tout de même, quelque chose d’un Dostoïevski furieux qui refuserait de capituler devant la bassesse et la corruption.