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Le rôle de la moto au cinéma

Divines, diffusion du samedi 03 mars 2018 à 03h10

Deux gamines des cités soudées contre le monde entier. Chronique féministe généreuse, polar sous haute tension, mais d'aucuns déplorent l'absence de mise en scène. Critique : Pour On aime passionnément Des mouflettes de banlieue, tchatche et rage de vivre chevillées au corps, on en a vu beaucoup, depuis L'Esquive d'Abdellatif Kechiche jusqu'à Bande de filles de Céline Sciamma. Mais les deux gamines de Divines ne ressemblent qu'à elles-mêmes. Elles forment ensemble un tourbillon, passant à pleine vitesse du comique au tragique et de la chronique sociale au polar haute tension. La réalisatrice récupère et brasse tous les clichés qui traînent au pied des cités pour en faire quelque chose d'étonnamment neuf, de frais et singulier. Rien que dans leur apparence, les inséparables Dounia et Maimounia, perpétuellement en maraude dans leur quartier désolé, se distinguent du lot commun. La première, dissimulant sa beauté sous d'informes blousons masculins, est aussi menue, tendue et énervée que la seconde est grande, costaude, douce et enveloppante. Le film prend le temps de nous faire vivre et goûter leur amitié à la vie à la mort, comme on n'en expérimente qu'à l'adolescence. De vidéos sur télépho­ne portable en chahuts divers, soudées contre le reste du monde, elles jouent les affranchies dans un milieu bien plus dur qu'elles, et qu'elles aspirent naïvement à conquérir. Leur innocence se déguise en audace. Dounia, qui vit avec une mère paumée, dans un bidonville coincé entre les tours et l'autoroute, veut prendre le chemin le plus court pour sortir de la misère. « Money, money, money », répète-t-elle sans cesse. Mantra magique, porte d'entrée vers beaucoup d'ennuis, et manière, pour la réalisatrice, de suggérer la puissance nocive de l'imaginaire ultralibéral. Dounia décide, donc, de se faire embaucher par le caïd du coin : Rebecca... C'est l'autre force du film : aussi dangereuse et fêlée que le premier trafiquant mâle venu, Rebecca use agressivement de toutes les armes de la virilité, violence, postures et charisme inclus. Cette inversion des genres, ludique et gonflée, aboutit à des répliques inoubliables, tel ce « Toi, t'as du clito ! », lancé par la chef de bande pour saluer le courage de Dounia. D'ailleurs, le rôle le plus « féminin », dans cette histoire en miroir, est tenu par un garçon, passionné de danse, dont Dounia vient contempler les répétitions en cachette. Cette histoire d'amour naissant suggère une autre issue à la tyrannie de l'argent, une sortie de secours par l'art. Ce pourrait être naïf, mais ces scènes-là, magistralement chorégraphiées, expriment avec force le désir, le rêve et l'apprivoisement. A mesure qu'il plonge dans la noirceur du polar, qu'il referme le piège sur ses héroïnes, Divines perd un peu de son originalité. Il reste, malgré tout, l'une des révélations de l'année, notamment grâce au talent inouï de ses jeunes interprètes. Dans le rôle de Dounia, une inconnue, Oulaya Amamra, crève l'écran : une grande actrice vient de naître. — Cécile Mury   Contre On n'aime pas On se calme. Chaque année, désormais, la critique s'emballe pour des films d'amateurs dont l'enthousiasme tient lieu de talent. Ce fut le cas de Donoma, en 2011, de Djinn Carrénard, dont le deuxième long, FLA, fut une catastrophe... En cette rentrée, c'est Divines qui fait le buzz, après qu'Houda Benyamina, sur scène, à Cannes, où elle recevait la Caméra d'or (meilleur premier film du festival), a lancé au responsable de la Quinzaine des réalisateurs, qui l'avait sélectionnée, la réplique choc de son film : « T'as du clito, mec ! »... Divines est aussi sympa, aussi généreux qu'elle. Mais très lent, en fait, dans son emportement artificiel. Répétitif... Le scénario copie (pas très bien) Bande de filles de Céline Sciamma. Et la mise en scène reste approximative, si on est gentil, ou invisible, si on est lucide. On peut, donc, aller voir Divines pour des tas de raisons : sociales, politiques, prophétiques, féministes... Mais sûrement pas cinématographiques. — Pierre Murat