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Le rôle de la moto au cinéma

Clash, diffusion du dimanche 17 décembre 2017 à 00h10

Le Caire, émeutes de l’été 2013. Un fourgon de police fait office de huis clos roulant. Les archétypes s'estompent et les images de l'extérieur sont remarquables. Intense et sensible. Critique : Dans Les Femmes du bus 678, son premier film, l'Egyptien Mohamed Diab usait de ce moyen de transport pour dénoncer le harcèlement sexuel dont les femmes de son pays sont victimes. C'est un fourgon de police, qui, ici, lui sert de huis clos roulant pour raconter les affrontements qui suivirent la chute du président Morsi, le 3 juillet 2013. Débordés par les manifestations, les policiers entassent dans le même panier à salade Frères musulmans, partisans du retour au pouvoir des militaires et deux journalistes soupçonnés d'être à la solde de l'Occident. Dispositif qui pourrait paraître simpliste, mais que le réalisateur sait rendre pédagogique et intense. D'abord, la défiance et le mépris sont sur tous les visages, filmés en gros plan, et l'idéologie perce sous chaque propos échangé. Mais dans l'habitacle surchauffé, où tout le monde endure les mêmes souffrances, les nuances se dessinent : une jeune fille voilée n'est pas forcément fondamentaliste. Des garçons se fichent carrément de religion et de politique et ne rêvent que de musique et de modernité. Un laïc s'avère violent, alors qu'un « intégriste » invite au calme... La solidarité, surtout féminine, s'organise quand il s'agit de partager une unique bouteille d'eau ou d'exfiltrer un vieillard cardiaque. Malin dans ce petit théâtre filmé, le cinéaste est encore meilleur dans sa mise en scène des extérieurs. Vues uniquement depuis l'intérieur du fourgon, les émeutes dans les rues du Caire et la panique de la police elle-même deviennent source de tension et de peur pour les occupants : leur père, leurs frères ont-ils, comme eux, été arrêtés ? Sont-ils en train d'asphyxier dans un autre fourgon ? Et où va leur pays ?... Mohamed Diab veut croire à un avenir démocratique, mais il reste lucide, hélas : vingt personnes que la survie la plus élémentaire force à dialoguer ne sont rien en regard de tout un peuple divisé... — Guillemette Odicino