Diffusions passées:

3 Billboards : les panneaux de la vengeance, diffusion du lundi 08 avril 2019 à 15h25

Ebbings est une petite ville typique du Missouri où la police ne fait pas son travail. Racistes et homophobes, ces mêmes policiers n'ont pas résolu le meurtre de Angela Hayes, une adolescente et fille de Mildred Hayes. Après des mois d'attente, celle-ci n'en peut plus et a une idée ingénieuse pour réveiller les forces de l'ordre. Elle fait faire trois panneaux installés à l'entrée de la ville sur lesquels elle dénonce le manque d'implication desdits policiers. Evidemment cela ne fait pas plaisir au shérif Bill Willoughby qui veut ramener Mildred à la raison. Cela ne plaît pas non plus à certains habitants, qui réagissent avec plus ou moins avec violence... Critique : Folle de rage. Mais d’une rage froide. Mildred Hayes (Frances McDormand, oscarisée pour ce rôle) n’est pas du genre à jouer les hystériques dans un poste de police. Mais ce qu’elle veut dire, elle le dit. Et ce qu’elle a à faire, elle le fait. Louer, par exemple, trois panneaux sur une route peu fréquentée à l’entrée de sa petite ville. Pour y inscrire un texte vengeur sur l’incapacité des flics à retrouver l’assassin de sa fille, violée et tuée quelques mois auparavant. Et peu lui importe que le chef de la police soit atteint d’un cancer… Le film reprend habilement des valeurs que Hollywood célébrait jadis. C’est un subtil mélange de violence brute et d’humour noir. Comme les autres personnages, Mildred nage dans l’ambiguïté. Elle est obstinée, courageuse, emportée, mais se révèle aussi égoïste, murée dans son chagrin au point d’ignorer celui des autres. Presque aussi bornée que le flic réac qu’elle méprise. Depuis ses débuts au cinéma (l’étonnant, sombre et cocasse Bons Baisers de Bruges, où il jouait avec les rouages du film noir), le réalisateur Martin McDonagh éprouve visiblement une passion pour Shakespeare, comme en témoigne ici le flic exsangue. Même quand il n’est pas là, il semble rôder autour de ses concitoyens, tel le fantôme du père de Hamlet, avec les lettres amusées et lucides qu’il leur envoie. Le film se balade ainsi, en suspens, entre ombres évanouies et vivants inguérissables.

3 Billboards : les panneaux de la vengeance, diffusion du jeudi 28 mars 2019 à 09h55

3 Billboards : les panneaux de la vengeance, diffusion du jeudi 14 mars 2019 à 15h45

3 Billboards : les panneaux de la vengeance, diffusion du mardi 26 février 2019 à 00h20

Ebbings est une petite ville typique du Missouri où la police ne fait pas son travail. Racistes et homophobes, ces mêmes policiers n'ont pas résolu le meurtre de Angela Hayes, une adolescente et fille de Mildred Hayes. Après des mois d'attente, celle-ci n'en peut plus et a une idée ingénieuse pour réveiller les forces de l'ordre. Elle fait faire trois panneaux installés à l'entrée de la ville sur lesquels elle dénonce le manque d'implication desdits policiers. Evidemment cela ne fait pas plaisir au shérif Bill Willoughby qui veut ramener Mildred à la raison. Cela ne plaît pas non plus à certains habitants, qui réagissent avec plus ou moins avec violence... Critique : Folle de rage. Mais d’une rage froide. Calculée. Mildred Hayes (Frances McDormand) n’est pas du genre à jouer les hystériques dans un poste de police. Mais ce qu’elle veut dire, elle le dit. Et ce qu’elle a à faire, elle le fait. Louer, par exemple, trois panneaux plus ou moins abandonnés sur une route peu fréquentée à l’entrée de sa petite ville. Pour y inscrire un texte vengeur sur l’incapacité des flics à retrouver l’assassin de sa fille, violée et tuée quelques mois auparavant. Et peu lui importe que le chef de la police, William Willoughby (Woody Harrelson), un brave mec sous son physique de plouc, soit atteint d’un cancer : « Vous saviez que j’étais malade, mais vous avez quand même mis mon nom sur cette affiche ? » lui demande-t-il, incrédule. « Pour que ce soit efficace, il fallait bien le faire avant que vous claquiez, non ? »… Le film de Martin McDonagh ressemble à cet échange. Le réalisateur, un affreux jojo anglo-irlandais (lire Télérama no 3548) connu autant pour ses frasques que pour ses pièces provocatrices, a visiblement le sens du dialogue (« Tu sais ce qu’ils font des tafiottes à Cuba ? Ils les tuent ! — Tu es sûr que ce n’est pas plutôt dans le Wyoming ? »). Et le goût des personnages, qui ont l’infinie délicatesse de se révéler moins crétins qu’ils ne le paraissaient au départ. Sa plus belle réussite est le flic interprété par Sam Rockwell, buse intégrale qui vit toujours avec maman à 30 ans passés. Qui cogne les Noirs, mais se fâche tout rouge si on les traite de « nègres » (non, ce sont des « gens de couleur » qu’il tabasse !). Et qui déteste les gays au point d’en défenestrer un, dans un accès de folie furieuse… Mais ce pauvre type est filmé par le cinéaste avec un soin, une attention, une tendresse qui finissent par le régénérer. Oh, il ne change pas du tout au tout : à la fin du film, il reste aussi obtus qu’il l’était. Et homophobe, sans doute parce que secrètement homosexuel lui-même. Mais c’est l’amorce de l’étincelle d’une générosité toute neuve qui le pousse, soudain, à provoquer, dans un bar, une bagarre avec un suspect pour lui soutirer son ADN en le griffant ! Et à se rapprocher de Mildred que pourtant il déteste… Curieux comme le réalisateur, peu familier de l’Amérique profonde, ait pu si crûment en décrire les individus, dans leur étrangeté, leur fragilité cachée. Sans doute, à partir d’un certain degré d’émotion et de souffrance, les petites gens de toutes les petites villes se ressemblent-ils : mus par les mêmes faiblesses, poussés aux mêmes éclats. Presque suranné, tant il reprend habilement des valeurs que Hollywood célébrait jadis avant de s’égarer dans l’empilement de blockbusters sans âme, son film est un subtil mélange de violence brute (l’agression du gay, la toux ensanglantée du flic moribond) et d’humour noir (celui de Mildred). Frances McDormand dit s’être inspirée de John Wayne pour ce personnage. C’est Spencer Tracy qu’elle évoque, surtout, errant dans la bourgade d’Un homme est passé, de John Sturges (1955), à la recherche d’un Japonais lynché par les autochtones durant la Seconde Guerre mondiale. Comme tous les autres, Mildred nage dans l’ambiguïté. Elle est obstinée, courageuse, emportée : que des qualités. Mais c’est tout de même loin d’être un cadeau : elle se révèle, aussi, égoïste, murée dans son chagrin au point d’ignorer celui des autres… Presque aussi bornée, en fait, que le flic réac qu’elle méprise… Depuis ses débuts au cinéma (l’étonnant, sombre et cocasse Bons Baisers de Bruges (2008), où il jouait avec les rouages du film noir), Martin McDonagh semble constamment semer, derrière lui, des cailloux fantastiques, comme le Petit Poucet. Est-ce son amour pour le théâtre ? Il éprouve visiblement une passion pour Shakespeare, comme en témoigne, ici, Willoughby, le flic exsangue. Même quand il n’est pas là, il semble rôder autour de ses concitoyens, tel le fantôme du père de Hamlet, avec les lettres amusées et lucides qu’il leur envoie. Le film se balade ainsi, comme en suspens, entre ombres évanouies et vivants inguérissables.
