Français : qui sommes-nous ?, diffusion du jeudi 24 janvier 2019 à 23h40

Le documentaire revient sur les vagues de migrants, dès la fin du XIXe siècle, afin de tenter de comprendre les critères actuels pour devenir Français et de définir l’identité nationale d’aujourd’hui. Alors que cette question est devenue un thème politique majeur entre les deux guerres, elle est revenue dans le débat public au début des années 70, alors que la France traversait une crise économique. Puis, l’émergence d’une «seconde génération» issue des anciennes colonies françaises a déplacé la nature du débat sur l’intégration. Ce n’est plus d’étrangers dont il est question, mais de Français dont la culture ou la religion serait en contradiction avec les valeurs de la nation.

Critique : « Un problème devrait seul occuper la pensée des Français : comment empêcher la France de disparaître ? Comment maintenir la race française ? » Non, ce n’est pas Eric Zemmour qui s’angoisse ainsi, mais le démographe Jacques Bertillon, en 1897, face à d’importantes vagues migratoires italiennes. Moralité, la peur de l’invasion, d’une dilution de l’identité nationale dans un grand bain étranger, ce n’est pas nouveau. Et c’est tout l’intérêt de ce solide documentaire — hélas diffusé à point d’heure — que de prendre le recul de l’Histoire pour mieux appréhender notre époque. Embrassant deux bons siècles, Mathieu Schwartz montre que la notion même d’identité nationale a beaucoup évolué depuis l’Ancien Régime, un temps où la nationalité n’a pas grand sens : on est avant tout roturier ou paysan. C’est après la Révolution, qui hisse haut l’idée de « nation », que l’on s’interroge vraiment : c’est quoi, être français ? Vaste ­débat, et son corollaire : quels critères faut-il remplir pour le ­devenir ? Il faut avoir une « politesse française », disait-on notamment aux indigènes d’Indochine. Aujourd’hui, entre autres conditions, il est demandé « une connaissance suffisante de la culture, de ­l’histoire et de la société françaises ». Une exigence qui se traduit par de curieux entretiens de naturalisation : bien des postulants venus du bout du monde se grattent fort le crâne lorsque, par exemple, ils sont conviés à nommer… le premier ­locataire du château de Versailles. — Marc Belpois