Son épouse, diffusion du mardi 19 décembre 2017 à 23h35

Que devient l’amour quand son objet s’éclipse ? Comment vivre quand la mort ôte toute possibilité de se faire pardonner ? En conteur subtil, Michel Spinosa s’empare de ces questions par le biais d’une métaphore fantastique. Et s’appuie sur le couple Yvan Attal/Charlotte Gainsbourg. Bouleversant.

Critique : L’amour libertin dans La Parenthèse enchantée, l’amour à la folie dans Anna M., ou après la mort dans Son épouse. L’amour est la grande affaire de Michel Spinosa, qu’il soit éternel ou éphémère, illégitime ou conjugal. Cette fois, c’est une histoire de couple qu’il tisse entre deux continents, et d’une rive à l’autre du temps. En France, Joseph vit avec Catherine, qui lui avoue sa dépendance à la méthadone (un substitut à l’héroïne), avant de tomber enceinte. Elle accouche d’un enfant mort, et disparaît. On la retrouve noyée sur une plage près de Madras, en Inde. C’est là, dans un asile-sanctuaire à ciel ouvert, où les malades dorment par terre, que Joseph rencontrera une jeune Tamoule persuadée d’être hantée par le « pey » (esprit malfaisant) de Catherine. Que devient l’amour quand son objet s’éclipse ? Comment vivre quand la mort ôte toute possibilité de se faire pardonner ? En conteur subtil, Michel Spinosa s’empare de ces questions par le biais d’une métaphore : perdre un être aimé, c’est se retrouver possédé par l’omniprésence de son souvenir. En proie à une obsession qui empoisonne. Avec fluidité, le cinéaste va et vient entre passé et présent, campagne française aux teintes hivernales et rivages indiens violemment colorés, mais aussi entre cartésianisme et mysticisme. Dans les scènes d’exorcisme, il saisit une intensité qui ne doit rien au folklore ni à l’exotisme. Insuffle du romanesque au lieu de jouer les documentaristes anthropologues. Quant à la partie française, elle est d’autant plus juste qu’elle s’appuie sur le tandem Gainsbourg-Attal, couple à la ville depuis plus de vingt ans. Voir cette séance où Catherine, seule devant un groupe d’ex-drogués, raconte son histoire à Joseph. Entre les deux acteurs, assis chacun à un bout de la pièce, l’émotion est palpable, pudique. Tandis que Charlotte Gainsbourg s’abandonne avec une folle maîtrise, Yvan Attal convainc en vétérinaire veuf, désespéré, revenu de tout mais humaniste. Comme Michel Spinosa : chez lui, même les mauvais esprits ne sont finalement que des fantômes en mal d’amour. — Mathilde Blottière